Épisode 4 : LES BONS PLANS D’EL KHOMRI
Les Brigades du SCID, Saison 1 : la première série sociale uniquement sur Internet et les réseaux sociaux.
Le plan social, c’est quand un employeur décide de procéder à des licenciements collectifs pour motif économique.
Voici l’article du Code du travail qui organise ça :
Article L1233-3 (modifié par loi n°2016-1088 du 8 août 2016 – art. 67)
« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise. (…)
LA MENACE DE LA COMPÉTITIVITÉ OU LA COMPÉTITIVITÉ MENACÉE
Ce qui est nouveau et très inquiétant dans cet article, c’est l’introduction du motif de sauvegarde de la compétitivité.
Cela veut dire que si l’employeur estime que la compétitivité de sa boîte est menacée, ce simple argument pourrait, à lui seul, justifier des licenciements collectifs.
En fait, la loi El Khomri autorise les licenciements préventifs.
Oui, cela peut paraître absurde. Et c’est très grave car, en plus de toutes les dérives que l’on peut imaginer et des dégâts sur l’emploi, cela démontre une volonté politique de graver dans le droit du travail des concepts commercialistes, mercantiles.
La dictature du « toujours plus de rendement » primera sur les droits humains, les droits des salariés et l’emploi.
Quelle hypocrisie de la part d’un gouvernement qui se dit « de gauche » et qui s’est fixé comme 1er objectif : l’emploi !
Et ça aura des conséquences, au quotidien, pour chacun d’entre nous car c’est un motif d’anxiété permanent. A la moindre occasion, les salariés pourront se demander si leur entreprise est toujours compétitive, si leur emploi n’est pas menacé.
On imagine aisément les nouvelles pressions qui pourront être exercées au nom de la compétitivité et de la protection de l’emploi.
Déjà que ce n’était pas folichon avant. Voilà une nouvelle mesure, clairement en faveur des patrons, qui va précariser et fragiliser encore plus les salariés. C’est un nouveau motif de licenciement facilité.
En langage patronal, ça s’appelle la flexibilité.
LE FLOU ARTISTIQUE DU LICENCIEMENT POUR DIFFICULTÉS ECONOMIQUES
Autre volet de l’article L 1233-3 nouvelle mouture, celui relatif aux difficultés économiques.
La seule perte d’un marché, la baisse du chiffre d’affaires, du résultat ou le souci de rentabilité de l’entreprise n’étaient pas considérés comme des difficultés économiques pouvant justifier des licenciements.
La loi El Khomri vient assouplir tout ça, pour le plus grand bonheur des patrons.
Dorénavant, les difficultés économiques seront avérées dès qu’au moins UN indicateur économique évoluera de façon significative : « baisse des commandes, baisse du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation, dégradation de trésorerie, dégradation de l’excédent brut d’exploitation… ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».
Voilà qui laisse une grande marge de manœuvre aux employeurs.
La loi El Khomri précise que les baisses de commandes ou du chiffre d’affaires doivent être au moins égales à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 salariés à moins de 50 ;
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 salariés à moins de 300 ;
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
Donc, une entreprise de 11 salariés pourra procéder à un ou plusieurs licenciement(s) pour motif économique si son chiffre d’affaires ou son carnet de commandes est en baisse pendant au moins un trimestre, par comparaison avec le même trimestre de l’année précédente.
Par contre, on remarque que la notion de « baisse » est laissée à l’appréciation des patrons ! A partir de combien un pourcentage de baisse devient-il significatif ?
On a envie de vous dire : ça dépend.
Par exemple, la baisse de chiffre d’affaires d’un trimestre est-elle significative si la boîte a connu, l’année précédente à la même période, une hausse exceptionnelle de son chiffre ?
Une baisse de chiffre d’affaires sur un trimestre est-elle significative si le sacro saint chiffre est remonté par la suite ? Etc.
Voilà qui va certainement occuper les tribunaux pendant un moment.
Le nouvel article L 1233-3 de la loi El Khomri fait référence à d’autres indicateurs, plus techniques : les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie, la dégradation de l’excédent brut d’exploitation ou tous autres éléments de nature à justifier des difficultés économiques.
Les difficultés économiques sont avérées dès lors que ces indicateurs présentent une « évolution significative ».
Qu’est-ce qu’une évolution significative ? Mystère, la loi est muette sur le sujet.
Là encore, ce sont les juges qui vont bosser sur la question lorsque ils seront saisis par des salariés contestant leur licenciement. Ils auront tout le loisir d’apprécier le flou artistique de cette nouvelle disposition de la loi Travail.
Mais en premier lieu, ce sont les salariés qui en feront les frais, qui subiront les pressions, qui vivront les incertitudes, les angoisses, qui perdront leur emploi avec tous les effets que nous connaissons sur la santé, la vie familiale, la vie en général.
Voilà pourquoi nous avons tant lutté – et que nous luttons encore – contre cette loi régressive et dangereuse qui fait passer la rentabilité économique avant l’humain.
Partout où elles sont présentes, les Brigades du SCID défendront les intérêts des salariés et protégeront leurs adhérents en leur offrant les services d’une super équipe d’avocats spécialisés et surentraînés.
Il est notoire que nous n’hésitons pas à saisir les tribunaux et que nous allons jusqu’au bout des procédures.
Tant que cette loi toxique sera en vigueur, nous mettrons tout en œuvre pour créer une jurisprudence protectrice des droits des salariés et pour dissuader les patrons qui voudraient en abuser.
A SUIVRE… JEUDI 2 MARS
Épisode 5 : IL ETAIT UNE FOIS MON CPA (compte personnel d’activité) ou la jolie histoire d’une imposture
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