Chez Carrefour, le plan social se « négocie ». Nous, ça nous insupporte !
Le 23 janvier dernier, Alexandre Bompard PDG du groupe Carrefour annonce en grandes pompes son plan de transformation, gracieusement baptisé « Carrefour 2022 ».
Un plan de transformation qui prévoit en fait la destruction de plusieurs milliers d’emplois à court et moyen terme. Voir notre article Carrefour le plan monstre.
Un plan d’une violence ahurissante qui laisse les salariés sous le choc. Chacun se demande qui va dégager. Et chacun se demande ce qu’il va devenir s’il perd son emploi.
Le lendemain, le journal Le Parisien qui appartient à notre milliardaire préféré, le grand humaniste Bernard Arnault, nous offre la magnifique Une ci-dessous :
Quel homme ce Bompard ! Quel courage, quelle audace !
Un vrai révolutionnaire au sens libéral du terme. Tous ces emplois supprimés, ça va réduire les coûts, augmenter les profits. La Bourse applaudit, l’action Carrefour bondit. Les oligarques sont heureux.
Car les oligarques sont les premiers actionnaires à se gaver chez Carrefour, comme la famille Moulin propriétaire des Galeries Lafayette et naturellement, notre ami Bernard Arnault du groupe LVMH.
On comprend mieux la Une de son journal.
Mais attention ! Carrefour est un modèle dans le domaine du dialogue social.
Donc oui d’accord on vire des milliers de gens, mais proprement : les modalités seront négociées avec les organisations syndicales représentatives. Les « partenaires sociaux ».
Des réunions de pseudo « négo de plan social » sont donc planifiées.
Et même si FO fait un peu de bruit lors de rassemblements le 1er mars, l’organisation se dit aussi prête à accompagner la transformation. Sortez les stylos.
Notre syndicat, le SCID, a des sections syndicales et des militants chez Carrefour, mais pas encore la représentativité permettant d’assister à ces réunions.
En revanche, nous avons des contacts au sein des négociateurs qui nous racontent tout.
L’un d’entre eux nous avait prévenus que la 2nde réunion de négociation aurait lieu le 8 mars à 9H30 dans un hôtel à Massy.
Notre contact souhaitait que nous perturbions la réunion pour faire bouger les choses, lui ne « pouvant rien faire au sein de son syndicat ».
Nous avons donc décidé de nous auto inviter, pour « foutre le bordel » comme dit Macron, pour réveiller les autres organisations syndicales, informer les salariés et établir un rapport de force bénéfique à l’intérêt général.
On a pris la tente quechua, les drapeaux, le ravitaillement et en avant, à Massy !
A 9H30 nous arrivons à l’hôtel Mercure, près du siège de Carrefour, où devait se tenir la réunion de négociation.
Comme toujours chez Carrefour, les négociateurs sont soignés : nuit d’hôtel offerte, ambiance feutrée, petit buffet sympa, boissons chaudes et froides, copieux déjeuner gratos en perspective.
Pas de bol, le SCID est venu perturber tout ça.
Sauf que notre contact faisant partie des négociateurs nous avait dit 9H30.
On a donc déboulé à 9H35, pensant les surprendre déjà installés… Alors qu’en fait, il n’y avait qu’une représentante CFDT (qu’on a prise pour la DRH) qui attendait dans la salle et nous a regardé déplier notre tente d’un œil mou.
La réunion commençait en fait tranquille, à 10H.
D’autres syndicats sont arrivés, certains amusés, d’autres agacés parce qu’à cause de nous la réunion allait être annulée et qu’ils avaient fait le déplacement pour rien !
Les téléphones des syndicalistes ont commencé à sortir des poches… pour prévenir la direction de notre présence.
On a bien senti que la préservation des emplois des salariés était au cœur des préoccupations.
D’un coup, tous les syndicats sont partis. On les a coursés jusqu’au sous-sol du parking de l’hôtel Mercure où on les a vus s’enfuir dans la même direction.
A cause de nous la direction de Carrefour venait de changer le lieu de la réunion, en prenant le soin d’avertir tous ses « partenaires sociaux ».
Mais où avait lieu la réunion ? Notre contact ne répondait plus, impossible de savoir.
On est donc allés au siège de Carrefour et on a tenté de rentrer par le parking.
C’était sans compter sur l’efficacité du groupe Carrefour : des vigiles à l’entrée avait déjà notre PHOTO en main et pour ordre de nous refuser l’accès.
Et comme on insistait, ils ont appelé la Police, qui est venue naturellement.
On a demandé à l’agent de Police s’il avait l’intention de nous molester, il a répondu que non mais qu’on n’avait pas le droit de rester dans un parking privé.
On lui a demandé comment on allait faire alors pour défendre les emplois, il nous a aimablement suggéré de rentrer par l’accueil, au rez-de-chaussée.
C’est ce qu’on a fait, on a re déplié la tente et les drapeaux à l’intérieur d’un des trois halls d’accueil cossus du siège de Carrefour Massy.
Ce qui n’a pas plu DU TOUT à la direction.
On a distribué nos tracts aux salariés et on a discuté avec eux du plan social que Carrefour a mis en place.
Les salariés n’étaient absolument pas au courant qu’une réunion avait lieu ce jour-là sur les suppressions d’emplois chez Carrefour Proxi.
Au bout d’un moment, comme notre tract circulait trop et que les gens commençaient à parler, la direction a décidé de bloquer l’accès du hall. Plus aucun salarié ne pouvait rentrer ou sortir.
On était un peu comme dans un aquarium avec plein de vigiles qui nous surveillaient.
Mais où étaient les syndicats représentatifs ? On ne les a jamais revus.
Force est de constater que le syndicalisme de lutte, tel que nous le concevons, n’est pas présent chez Carrefour.
Tout se négocie, même l’inacceptable.
La direction pense tout maîtriser, mais nous n’avons pas dit notre dernier mot et nous comptons bien continuer à foutre le bordel afin de réveiller les esprits et provoquer la rébellion qui permettra enfin de remettre l’humain au centre des décisions.
Nous savons déjà que la prochaine réunion de négociation du plan social aura lieu le 19 mars prochain. A suivre….