Les nocturnes chez Monoprix à Paris, c’est fini ! C’est une grande victoire contre le travail de nuit dans le commerce !
Depuis des années, notre syndicat, le SCID, se bat au sein de l’intersyndicale du CLIC P (Comité de Liaison Intersyndicale du Commerce de Paris) contre la précarité, les bas salaires et les ouvertures illégales dans le commerce : le dimanche, les jours fériés, en soirée, la nuit.
Malgré les pressions des patrons et des confédérations, notre intersyndicale reste soudée, ne lâche rien et obtient de nombreux résultats en justice pour protéger l’intérêt général des salariés du commerce.
Les irréductibles qui constituent le CLIC P :
la CGT commerce de Paris, Sud commerces et services, le SECI Unsa et nous, le SCID (Syndicat Commerce Indépendant Démocratique).
Le 7 septembre dernier, nous avons remporté une grande victoire contre le travail illégal de nuit !
En effet, la Cour d’appel de Paris a condamné la société Monoprix Exploitation à «cesser d’employer des salariés dans ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte de 30.000 euros par infraction constatée».
La Cour d’appel a rendu cette décision alors que Monoprix se protégeait derrière un accord d’entreprise autorisant le travail de nuit, un accord signé le 9 décembre 2016 avec deux organisations syndicales que nous qualifierons poliment de vendues : la CFDT et la CGC.
Pourquoi qualifions-nous ces organisations syndicales de vendues ?
1- Parce que, d’abord, on ne signe pas un accord pour faire travailler des salariés la nuit alors que ce n’est pas justifié par « la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale ».
Car le Code du travail est clair : le travail de nuit est strictement encadré et doit rester « exceptionnel ». Et c’est bien ce qu’a relevé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 7 septembre 2018.
Extrait de l’arrêt :
«L’article L. 3122-1 du code du travail, dont les dispositions sont d’ordre public, pose un principe tenant au caractère exceptionnel du travail de nuit ; le texte énonce que le recours au travail de nuit doit prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.(…) S’agissant de l’ouverture des magasins jusqu’à 22h, le préambule de l’accord énonce que cette ouverture permet de répondre à “une demande grandissante de la clientèle urbaine, par ce service d’utilité sociale, et d’assurer ainsi la continuité de l’activité économique.”
Néanmoins il y a lieu de relever que la continuité de l’activité économique de l’entreprise n’est pas manifestement mise en cause par l’organisation du travail dans le respect des dispositions de l’article L. 3122-2 du code du travail, qui permet d’effectuer le travail de jour jusqu’à 21 h. En outre le besoin de la clientèle, énoncé au sens général, ne peut pas correspondre à la justification d’effectuer un service d’utilité sociale qui est l’objectif poursuivi dans les secteurs d’activité spécifiques tels la santé ou la sécurité des personnes.
Il apparaît donc manifeste que l’ouverture des magasins jusqu’à 22h ne répond pas aux exigences posées par l’article L. 3122-1 du code du travail.»
2- Ensuite, on ne signe pas un accord autorisant le travail de nuit alors que les compensations prévues pour les salariés sont très inférieures à la loi.
Jugez plutôt.
- Dans cet accord, Monoprix ne payait pas le transport aux salariés pour qu’ils rentrent chez eux la nuit, en l’absence de transports publics. Non, Monoprix leur proposait de leur prêter de l’argent pour qu’ils puissent s’acheter un véhicule personnel… Un prêt avec intérêts bien sûr.
- L’accord prévoyait également une aide limitée à la garde des enfants, à condition que ceux-ci soient âgés de moins de 10 ans ! Au-delà, démerdez-vous.
- Enfin l’accord octroyait généreusement aux salariés travaillant la nuit… un sandwich.
Très logiquement, la Cour d’appel a jugé que ces compensations étaient insuffisantes.
Extrait de l’arrêt :
«(…) contrairement aux exigences de l’article L.3122-15 du code du travail, l’accord ne prévoit pas de mesures suffisantes destinées à faciliter l’articulation entre l’activité professionnelle nocturne et les responsabilités familiales puisque notamment les mesures pour la garde d’enfants ne sont prévues que pour les enfants de moins de 10 ans, et dans le cadre du travail effectué après 21h, alors que de telles mesures sont également nécessaires en cas de travail commencé à 5h. De même, concernant les mesures destinées à faciliter les moyens de transport, l’accord prévoit uniquement un système de prêt destiné à favoriser l’acquisition d’un véhicule personnel, sous conditions financières et d’ancienneté restrictives, mesure manifestement non conforme à l’article L.3122-15.»
Les conséquences immédiates de cette décision de justice sont qu’une cinquantaine de Monoprix à Paris devront baisser le rideau autour de 20h30-20h40, pour que tous les salariés soient partis à 21H.
C’est une petite révolution quand on sait qu’une très grande majorité des Monoprix parisiens sont ouverts jusqu’à 22H. Cinq magasins situés dans une zone touristique internationale (ZTI), comme celui des Champs-Élysées, ouvrent même jusqu’à minuit, comme les y autorise la loi Macron de 2015.
Eh bien même ces cinq magasins en ZTI ne sont pas épargnés par la Cour d’appel qui considère que l’accord « ne prévoit pas des modalités de recours au travail en soirée […] conformes aux exigences légales ». Eux aussi devront donc désormais baisser le rideau avant 21H, sous peine de payer une astreinte de 30.000 euros par infraction constatée !
Au-delà de ces conséquences immédiates, nous souhaitons évidemment que cette décision fasse boule de neige et jurisprudence dans d’autres enseignes.
– boule de neige chez Monoprix évidement : chaque salarié qui a été employé entre 21h et 6h du matin pourra demander à être indemnisé des préjudices qu’il a subis sur la période écoulée, du fait de l’insuffisance des contreparties, de l’atteinte à son droit à une vie familiale et pour compenser les risques sur sa santé.
– jurisprudence ensuite dans toute la France ! Les salariés de tous les commerces (et pas seulement parisiens) qui sont ouverts la nuit sur la base d’accords collectifs pourront aussi nous solliciter pour les aider à faire fermer leur magasin la nuit, en se servant de la décision rendue par la Cour d’appel.
Naturellement, la direction de Monoprix n’est pas contente de cette décision. Pas contente du tout.
Vindicative, elle a pondu une note bien anxiogène à ses salariés en leur disant qu’à cause de cette décision, la baisse du chiffre est «estimée à 5 millions d’euros», que «1,6 millions de clients seraient impactés dans leurs habitudes de consommation» et que «1600 collaborateurs seraient directement concernés»…
Et Monoprix d’ajouter : «Nous ne pourrons que constater, dans les mois à venir, un impact défavorable sur les performances économiques de l’entreprise sur lesquelles sont calculés la POP, l’intéressement, la participation et plus globalement le pouvoir d’achat de nos collaborateurs.»
- L’enseigne Monoprix oublie de dire qu’elle a appliqué un accord illégal, avec des compensations minables pour les salariés, bien inférieures à celles imposées par la loi. Un accord illégal qui viole les droits déjà faibles des salariés et dégrade encore plus leurs conditions de travail.
- Monoprix oublie de dire que ses magasins ont ouvert illégalement depuis un an et demi, encaissant du chiffre illégalement, au détriment des artisans et des petits commerces qui respectent la loi.
- Monoprix oublie de dire que des syndicats et des inspecteurs du travail avaient alerté sur le caractère illégal de ce recours au travail de nuit. Et que Monoprix n’en avait absolument pas tenu compte.
- Monoprix a mis en œuvre cet accord illégal, malgré les avertissements, contraignant des salariés à quitter leur poste à 22h30 ou plus et à rentrer chez eux en région parisienne par leurs propres moyens.
C’est dans ce contexte que nous avons saisi la justice. Pour qu’il soit fait interdiction à Monoprix d’employer des salariés entre 21h et 6h du matin à Paris. Pour protéger les intérêts, les droits, la vie familiale et la santé des salariés.
Et le 7 septembre 2018, la Cour d’appel nous a donné raison. Elle a jugé que le travail de nuit passé 21h et avant 6h dans les conditions prévues par accord est manifestement illicite. Elle condamne donc la société MONOPRIX à cesser d’employer ses salariés dans ses établissements parisiens entre 21h et 6h sous astreinte de 30.000 euros par infraction constatée.
Cette décision sera exécutoire à partir de sa signification par un huissier de justice. Il paraît que Monoprix va se pourvoir en Cassation. Nous y serons.
Forts de cette victoire contre le géant Monoprix, nous continuerons à défendre les droits et les libertés des salariés par tous les moyens à notre disposition.
Plus que jamais, face à des employeurs qui ne craignent pas de violer la loi et qui s’en donnent les moyens, il faut vous syndiquer pour être défendus !
Adhérer au SCID, c’est se protéger et défendre les gens avant l’argent.
Le SCID : pour remettre l’humain au centre des décisions