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Le handicap et Carrefour

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Handicap

Le handicap et Carrefour, c’est toute une histoire. C’est même plus que ça, c’est deux histoires bien distinctes.

  1. Celle qu’on lit sur le papier,
  2. celle qu’on vit dans l’entreprise.

Sur le papier, le groupe Carrefour est TRÈS attaché au dialogue social.

Oh là là il aime ça le dialogue social. La direction passe son temps en réunion à négocier des accords avec les « partenaires sociaux » :

  1. accord sur l’égalité des chances
  2. accord sur l’égalité hommes-femmes
  3. accord sur la formation et le parcours professionnel
  4. accord sur l’intéressement collectif
  5. accord intergénérationnel
  6. accord sur la santé au travail
  7. accord sur le droit syndical
  8. accord sur le CET
  9. accord sur le don de congés
  10. accord (récent) sur la suppression de milliers d’emplois….

Et on en passe et on en passe, y’en a des tas, des accords. Tout le monde est très très occupé avec ces accords.

Celui qui nous intéresse particulièrement aujourd’hui, c’est l’accord « sur le développement de l’emploi des personnes handicapées au sein de la société CSF » (Carrefour Market).

Très bel accord de 78 pages avec les annexes qui proclame le souhait partagé de la direction et des « partenaires sociaux » de s’investir pour l’emploi, l’intégration et le maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés.

C’est très bien écrit et ça démarre fort, y’a plein de mesures prévues, des moyens, des partenariats, des parrainages, des procédures, des formations, des actions de communication (beaucoup), des comité de pilotage, des comités de suivi, des chargés de mission, des référents handicap…

Et il y a des bilans de situation, plein de bilans.

Mais en dehors du traditionnel remplissage/enfumage ressources humaines, qu’est-ce qu’on a ? Est-ce que Carrefour, puissante multinationale de la grande distribution, prend des engagements fermes et chiffrés en terme de recrutement des personnes handicapées ?

Eh bien… non.


DÉCRYPTAGE:

A la 17ème page, on lit enfin que Carrefour « a pour objectif de procéder au recrutement minimum de 150 personnes handicapées sur la période de l’accord », c’est-à-dire sur 3 ans.

Quelques lignes plus bas, on lit que ces objectifs ne constituent cependant pas « une obligation contractuelle ».

Aucun engagement donc. De simples objectifs, au rabais.

Car pour rappel, l’effectif de Carrefour France est d’environ 115 000 salariés. 150 salariés sur 3 ans, ça fait 50 salariés par an. Soit un objectif d’embauche de personnes handicapées de 0,04 % par an.

Dire que sur ce thème, Carrefour manque d’ambition est un doux euphémisme. Les objectifs de chiffres d’affaires ne sont certainement pas du même acabit.

On continue quand-même la lecture de l’accord. Qu’en est-il du maintien dans l’emploi ? Réponse article 4 :

« La société CSF s’engage à tout mettre en œuvre pour maintenir dans l’emploi tout salarié (…) se trouvant en situation d’inadaptation entre son état de santé et son environnement de travail, en procédant notamment sur avis et recommandations du médecin du travail :

  • à des aménagements d’horaires et/ou à des aménagements organisationnels ;
  • à des aménagements de son poste de travail (matériel, logiciel) et/ou à des aménagements de son environnement (locaux sociaux, transport) ;
  • à l’achat de matériel visant à compenser le handicap (…) »

Tiens là c’est mieux ! Si Carrefour est franchement minable sur les objectifs d’embauche, le groupe semble vouloir maintenir dans l’emploi les salariés handicapés déjà présents.

Sur le papier, tout doit être fait pour éviter les déclarations d’inaptitude et le salarié handicapé est associé à toutes les étapes des démarches.

C’est normal vous allez nous dire. Oui, sauf que… Comme souvent, derrière les bonnes intentions proclamées, il y a une réalité bien différente.


Dans l’entreprise, c’est différent :

Notre syndicat, le SCID, a des militants au sein du groupe Carrefour. L’un d’eux est non voyant. Nous l’appellerons Alexandre.

Il travaille dans une enseigne du groupe depuis 13 ans. Il a 46 ans. Alexandre est approvisionneur principal et il aime son travail. Il fait à la fois de l’encadrement d’équipes et de la manutention. Il travaille toujours en binôme et ça se passe très bien. Alexandre a une grande force physique, donc il dépote. Avec lui, le travail est efficace et rapide. Ses équipes en témoignent et ont même fait des attestations sur l’honneur pour le défendre. Pourquoi le défendre ? Parce qu’Alexandre est attaqué par sa direction.

Pas directement bien sûr. Sournoisement. En n’adaptant pas son poste de travail (c’est lui-même et ses équipes qui ont dû le faire, seuls), en ne lui donnant pas les moyens de remplir son rôle d’élu, en l’abandonnant seul avec son handicap dans des situations difficiles.

Par exemple, lors de la dernière réunion de Comité d’entreprise, Alexandre n’a pas pu aller manger à la pause, car personne ne l’a aidé à s’orienter dans des locaux qu’il ne connaissait pas. Personne n’adapte le rythme des réunions au handicap d’Alexandre, on lui refuse même d’être assisté.

Comment suivre une réunion de 7h ou 8h, avec de multiples documents à étudier et sur lesquels il faut donner un avis, quand on ne voit pas ? Alexandre ressort de ces réunions épuisé et avec des maux de tête insupportables. Il n’en peut plus.

La direction d’Alexandre ne faisant rien depuis 2016 pour remédier à cette situation indigne, malgré les multiples demandes d’Alexandre, notre syndicat a écrit à Carrefour Market, en prenant soin de mettre en copie le PDG du groupe, M. Bompard :

Aucune réponse à ce jour, silence radio de Carrefour.

Ne pouvant pas suivre la réunion du fait de son handicap, notre élu a dû quitter la réunion de Comité d’entreprise du 18 juin, après avoir fait une déclaration à tous les membres présents pour encore les alerter sur les difficultés qu’il rencontre en tant que non voyant.

Personne n’a bronché, ni la direction, ni les autres organisations syndicales présentes.


Cette situation, bien éloignée des beaux engagements solennels de l’accord « sur le développement de l’emploi des personnes handicapées au sein de la société CSF », n’est malheureusement pas un cas isolé chez Carrefour.

Nous avons connaissance de cas de salariés, pas élus du SCID, juste salariés, qui ont été licenciés suite à la déclaration d’une maladie professionnelle. Sans que Carrefour ait cherché à les reclasser ou à adapter leur poste.

Donc non seulement Carrefour ne prend pas les mesures pour préserver votre santé et vous détruit au travail, mais en plus, Carrefour vous vire.

Pour des boîtes comme Carrefour, quand un salarié est abîmé, on en prend un autre, c’est aussi simple que ça. Les êtres humains n’existent que pour faire du profit. L’emploi, Carrefour s’en fout, ce qu’il veut, c’est encaisser du pognon. Et tout le monde (ou presque), trouve ça normal.

Souvenez-vous de la « Une » du Parisien suite à l’annonce du groupe de supprimer des milliers d’emplois :

Nous rappelons à Carrefour et à tous les autres grands groupes qui se croient au-dessus des lois et au-dessus des considérations humaines, qu’il existe (encore) un article dans le code du travail qui demande aux employeurs d’adapter le travail à l’homme. Et non le contraire.

Adapter le travail aux personnes. Et à fortiori aux personnes qui doivent vivre avec un handicap. Voilà bien un des fondements d’une société civilisée. Non ?

Le SCID : pour replacer l’humain au centre des décisions

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