EXCLUSIF Lors d’un congrès extraordinaire, le SCID-CFDT, représentant du secteur commercial, a voté à 95% sa désaffiliation de la Confédération CFDT. En cause: un désaccord sur le travail du dimanche. Le SCID-CFDT, représentant du secteur commercial, a voté à 95% sa désaffiliation de la confédération syndicale. MIGUEL MEDINA / AFP
A l’annexe Turbigo de la Bourse du travail, ce lundi 18 janvier, l’atmosphère est grave. Une cinquantaine de représentants syndicaux sont assis derrière des bureaux d’écoliers alignés, dans une pièce austère aux allures de salle de classe défraîchie. Beaucoup de ces syndicalistes sont venus d’Ile-de-France comme Elisabeth Petiot, du siège de Monoprix, et quelques-uns de plus loin, tel Maxime Forestier, délégué Ikea à Saint-Etienne. Tous appartiennent au SCID-CFDT, la branche commerce francilienne de la CFDT, qui compte près de 4.000 adhérents. Historiquement cantonné à l’Ile-de-France, le SCID a décidé lors d’un congrès extraordinaire en novembre d’élargir sa couverture à la France entière, et de changer l’intitulé de son nom. SCID ne signifie plus Syndicat Commerce Interdépartemental d’Ile-de-France mais Syndicat Commerce Indépendant et Démocratique.
Quitter la CFDT
Le but avec le deuxième congrès du 18 janvier: devenir pour de bon indépendant en quittant la CFDT, afin de pouvoir mieux lutter contre le travail du dimanche. Depuis deux ans, la CFDT et sa branche commerce s’étripent. Après avoir fermé les locaux du SCID, la CFDT l’a suspendu en mai 2014 pour « non-respect par le syndicat des règles de fonctionnement interne à la CFDT ». Pour Alexandre Torgomian, secrétaire général de SCID-CFDT, la véritable raison, c’est le travail du dimanche et de nuit. Le SCID s’y oppose fermement, à l’inverse de la CFDT, plus complaisante envers le patronat. Résultat: des visions divergentes. En outre, la CFDT ne verrait pas d’un bon œil que, dans le cadre de la lutte contre le travail dominical, le SCID-CFDT ait rejoint l’intersyndicale Clic-P, aux côtés de CGT, UNSA, CFE-CGC et SUD. Le SCID, à l’inverse, dénonce les pratiques anti-démocratiques de la confédération, comme au Printemps Haussmann où les élus SCID CFDT se plaignent d’avoir été dépossédés de leur pouvoir de négociation, se voyant imposer une déléguée syndicale venue du Havre… et donc peu concernée par les problématiques liées au tourisme parisien et ses ZTI.
95,70% pour la désaffiliation
Le congrès de ce 18 janvier a pour but de soumettre au vote la scission du SCID de la CFDT. Une date choisie au hasard? Non. C’est ce même jour que le TGI de Créteil devait déterminer si la mise sous tutelle du SCID par la CFDT est légale. Finalement, le tribunal s’est jugé incompétent, renvoyant au TGI de Paris. Mais ce n’est que partie remise pour le SCID. Surtout que très récemment, « la CFDT a changé ses statuts », dénonce Alexandre Torgomian. « Désormais, elle peut mettre un syndicat sous tutelle ». Même si la justice donne finalement raison au SCID, celui-ci risque de rester sous l’emprise de la CFDT. Résolu à en finir avec cette situation, Alexandre Torgomian énumère devant l’assemblée les modifications apportées aux statuts, et soumises au vote. Toute mention à la CFDT est supprimée. Quelques minutes plus tard, le résultat est sans appel: les représentants approuvent à 95,70% la désaffiliation du syndicat de la CFDT. Le SCID devient indépendant.
Moins d’accords pour le travail dominical
Les patrons du commerce doivent-ils s’en inquiéter? Oui, selon Alexandre Torgomian. « Dans les entreprises, il y aura moins de risques que la CFDT signe un accord sur le travail du dimanche. Il faut l’accord de 50% des syndicats. Nous pourrons nous allier aux autres syndicats ». Avec une limite cependant: une représentativité fragile pour le SCID, tout du moins au début. « Les élus syndicaux exercent leur mandat jusqu’aux prochaines élections », explique Dahbia Mesbahi, avocate du SCID. « Mais leur représentativité risque d’être comptabilisée pour la confédération, car ils ont été élus sous la bannière CFDT. Quant aux délégués syndicaux, qui n’ont pas été élus mais mandatés par la CFDT, ils risquent d’être dé-mandatés. » Alexandre Torgomian rassure l’auditoire: « Nous vous re-mandaterons sous l’effigie SCID. » Le véritable défi sera de gagner des voix lors des élections professionnelles, et ce, entreprise par entreprise. « Il y a des élections en permanence. Nous comptons grappiller dans la représentativité de la CFDT, jusqu’à être représentatifs », prévient le secrétaire général. « Et même s’il y a un accord signé, nous avons l’action syndicale, nous pouvons faire grève le dimanche. » Premières élections dans le calendrier: Carrefour en janvier, Cora peu après, Monoprix en mai.