Épisode 9 : LE SUIVI MÉDICAL, FAÇON EL KHOMRI (1ère partie)
Les Brigades du SCID, Saison 1 : la première série sociale uniquement sur Internet et les réseaux sociaux.
LE SUIVI MÉDICAL, FAÇON EL KHOMRI ! (1ère partie)
Petit rappel : la mission de la médecine du travail est de veiller à ce que la santé des salariés ne soit pas dégradée par le travail. Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif : il n’est pas là pour vous guérir, il est là pour éviter que vous tombiez malade.
Il vaut mieux prévenir que guérir. C’est du bon sens et ça coûte moins cher humainement et financièrement.
Mais pour faire de la prévention efficace, il faut des moyens. Et le problème est que le nombre des médecins du travail se réduit. On dénombre en 2016 environ 5500 médecins du travail pour 18 millions de salariés…
De plus, les réformes successives de la médecine du travail ont contraint les services de santé au travail (qui embauchent les médecins du travail) à de nouvelles organisations coûteuses, compliquées, difficiles à mettre en place.
Et comme les médecins du travail sont rares, ils coûtent cher. Les employeurs, qui sont obligés d’adhérer à un service de santé au travail ont vu, du coup, leurs cotisations par salarié augmenter.
Et les patrons, ça veut le beurre, l’argent du beurre et le sourire du salarié. Pour faire simple, ils veulent payer le moins possible.
Donc, au lieu de lutter contre la pénurie des médecins du travail (qui va du coup continuer de s’aggraver), le gouvernement Hollande, sur ordre du MEDEF, a de nouveau réformé la médecine du travail dans la loi El Khomri (ou Macron comme vous voulez, c’est pareil).
Sous prétexte de « modernisation de la médecine du travail », celle-ci a en fait été durement rabotée.
Auparavant, toute personne fraîchement embauchée devait passer une visite médicale avec un médecin du travail pour déterminer si elle était bien apte au poste.
Depuis le 1er janvier 2017, c’est terminé ! Désormais, le nouvel embauché aura droit à une « visite d’information et de prévention » dans les 3 mois de son arrivée dans l’entreprise.
Il pourra être vu par un médecin du travail OU un infirmier…
Attention ! Cette visite n’a plus pour objet de vérifier l’aptitude du salarié, c’est plus une visite d’information, comme son nom l’indique. Elle permet :
- d’interroger le salarié sur son état de santé,
- de l’informer sur les risques éventuels de son poste de travail,
- de le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre ( !),
- d’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers le médecin du travail,
- de l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.
À l’issue de la visite, une attestation de suivi et non plus d’aptitude est délivrée au salarié et à l’employeur.
La disparition de ce qu’on appelait la visite d’embauche n’est pas anodine. Elle a d’ailleurs été fortement critiquée par les médecins du travail eux-mêmes.
L’ordre national des médecins a fait savoir à la ministre du Travail que la suppression de la visite médicale d’embauche « n’est pas de nature à améliorer la protection de la santé des salariés ». Les syndicats opposés à la réforme ont dénoncé l’instauration d’une médecine de contrôle, au détriment d’une médecine de prévention.
Car cette visite d’embauche était une photographie, tamponnée par un médecin, de votre état de santé à la prise de poste. Sans cette photographie dûment certifiée, comment prouver plus tard que c’est le travail qui a dégradé votre santé ? Et comment mesurer cette dégradation ?
De plus, on observe que le médecin ou l’infirmier faisant passer la visite doit « sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.
De qui se moque-t-on ?
C’est le salarié qui doit mettre en œuvre une politique de prévention dans l’entreprise dans laquelle il arrive ? Avec quelle formation ? Quels moyens ? Quelle crédibilité ?
C’est ni plus ni moins du foutage de gueule. C’est une fois de plus reporter les obligations de l’employeur sur les épaules du salarié.
Et pastèque sur le gâteau, la visite n’est pas obligatoire si le salarié a déjà bénéficié d’une visite d’information et de prévention DANS LES 5 ANS précédant son embauche, « à la condition que le travailleur occupe un emploi identique, que le service médical possède la dernière attestation de suivi ou le dernier avis d’aptitude (…). ».
On voit d’ici les abus de certains employeurs qui n’auront pas envie de payer pour cette pauvre visite d’information et de prévention…
Mais les régressions de la loi El Khomri ne s’arrêtent pas là… La suite jeudi prochain, dans la 2ème partie du suivi médical, façon El Khomri.
A suivre… jeudi 6 avril
Épisode 10 : LE SUIVI MÉDICAL, FAÇON EL KHOMRI (2ème partie)
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